mardi 28 février 2012

Le syndrome de Stockholm

J'entends dire, ici où là, les choses les plus folles sur l'état d'esprit de mes compatriotes alors qu'ils sont sur le point de se trouver suffragement sollicités.

Il paraîtrait, par exemple, qu'il reste des gens qui vont voter Sarkozy, parce qu'après-tout-lui-ou-un-autre-c'est-pareil.
Oui, paradoxalement, retourner sa veste d'électeur parce que son poulain a commis une ou deux petites erreurs constitue une sortie du placard relativement accessible. Mais pour assumer la colossale colonne de conneries que le petit Nico laisse derrière lui sans tirer la chasse, il faut avoir un minimum de tripes. Nombreux sont ceux qui prefèreront re-voter pour le con plutôt que de reconnaître qu'ils se sont fait entuber la dernière fois. 

Ou alors, c'est un énième avatar du syndrome de Stockholm dont l'homme moderne semble être devenu si friand.

C'est en tombant sur un twit singulier que le légendaire trouble comportemental scandinave s'est imposé dans mon esprit. Ce message clapotait dans le raz-de-marée de protestations pulsionnelles vaguement maîtrisées qui avait suivi, hier, la déclaration de François "Mimolette" Hollande. Le potentiellement présidentiel coulant avait, dans un accès de fièvre bolchévique qu'on ne lui avait jusqu'ici que peu diagnostiquée, annoncé qu'il allait taxer à 75% toute part supplémentaire d'un revenu supérieur à un million d'euros. Et, pendant qu'une holocauste de hurlements indicibles embrasait le jardin médiacratique (on murmure même que le martyre Aphatie aurait renoncé à construire sa troisième piscine), je vis passer un tout petit twit tout discret, murmuré par une petite jeune fille.

"Moi, quand même, ça me ferait chier si on me prenait 75% de mon salaire pour le donner à un Etat qui le gaspillerait."

C'est là que j'ai pensé au syndrome de Stockholm. Et à la plus grande réussite de la droite en quarante ans.

Ce n'est pas la financiarisation massive de la société et les profits gigantesques qu'en ont tiré ses candidats et les amis de ses candidats.

Ce n'est pas l'ambiance de méfiance généralisée où chaque passant se demande si le type qu'il croise dans le métro va l'éviscérer ou pas.

Ni même la ringardisation massive des notions de maîtrise par les Etats de l'économie (vous savez, ces idées qui ont assurées après la guerre trente ans de développement économique quasiment sans aucune crise.)

Non, le vrai chef-d'œuvre, c'est ça : avoir refilé le syndrome de Stockholm aux 99% des plus pauvres, en les faisant s'identifier aux 1% des plus riches. Depuis le début des années 80, par la télévision, par les journaux, par l'omniprésence culturelle  qui constiture ce fameux soft power cher aux idéologues américains, on a instillé en chacun de façon subliminale l'idée qu'un jour, lui aussi sera millionaire, même si ses parents ne lui lèguent que des dettes, même s'il n'y a aucun espoir de promotion dans sa boite, même s'il a des gosses à regarder grandir.
Avec la télé-réalité, qui met en scène les pires imbéciles et montre au reste de la Terre que le monde des riches et des media est prêt à accueillir les pires caricatures du peuple s'ils sont tirés au sort.
Avec les encouragements à devenir proprio, quitte à s'endetter sur trente ans, pour que l'illusion de la richesse permette au pauvre d'oublier qu'il est pauvre.
Avec le  crédit généralisé, qui utilise cette illusion pour enrichir encore plus les riches - éloignant d'autant plus la vie fantasmée de la réalité, dans une vertigineuse spirale de foutage de gueule.
Avec des arnaques comme le statut d'auto-entrepreneur et des slogans comme "soyez patron de votre vie." 

Et, bien sûr, les exceptionnels cas avérés de veinards ayant réussi, avec des combinaisons de boulot, de chance, de talent et souvent d'arrivisme, à se hisser sur le piton resserré des un pour cent qui dominent.


Le problème, c'est que "faire croire que", à long terme, ça ne va pas très loin. Et que quand la croyance s'arrête, il ne reste que la réalité. Et la réalité, on la trouve sur le blog d'Olivier Berruyer :



Jeune fille qui compatit avec une générosité toute suédoise à la spoliation des pauvres citoyens qu'on se propose de taxer s'ils gagnent plus d'un million d'euros, tu peux te rassurer : tu ne seras jamais concernée. Parce que tu ne seras jamais des leurs. Parce que tu ne viens pas d'une des deux cents familles qui gardent les plus grandes fortunes de France depuis les années trente.

Et dans le fond, tu sais pourquoi tu ne seras jamais des leurs ? Parce que la condition même de l'existence de leur patrimoine est la non-existence du tien. Parce que leur richesse ne vient pas de leur travail, pas de leurs efforts présents rémunérés pour leur apport à un projet collectif, mais de leur capital. Et que le capital, c'est du travail fait par d'autres, accumulé, immobilisé et dont l'acquéreur extrait une rente. 

Tu comprends bien, jeune fille, que si tu commençais à gagner plus d'argent avec ton travail, c'est autant de perdu pour le capital qu'ils en tireront.

Non ma chère, ta seule chance d'être riche est d'arriver à t'emparer d'un peu de capital. C'est à dire, d'un peu du travail des autres. Que tu exploiteras à ton tour.

Ta seule chance de gagner, c'est de devenir comme eux.











Ou sinon, tu peux redescendre sur Terre, et trouver que ce système est dégueulasse. Tu peux estimer en ton âme et conscience que personne, personne ne mérite ni n'a besoin de plus de trente mille euros par mois. Tu peux te rendre compte qu'il n'y a aucun ruissellement des richesses depuis le haut, que les très riches ne rendent jamais l'argent, et que la misère dans laquelle nos pays se débattent alors que notre patrimoine globale a doublé en trente ans en est la preuve éclatante.

Tu peux revenir à la raison et utiliser les urnes pour faire pencher la balance vers ceux qui veulent le limiter une bonne fois pour toutes, interdire les écarts de salaire trop grands, taxer les revenus du capital, et poursuivre les évadés fiscaux. N'ai pas peur du vote. La démocratie est structurellement conçue pour permettre au peuple de siffler la fin du jeu quand il le désire.


Fonce, ma grande. Et si tu hésites, regarde où flotte le drapeau rouge.











1 commentaire:

  1. bonjoure je viens faire de la pube poure mon blorghe.

    attaqueflorale.blogspot.com


    je vous fé un bisou.

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