mercredi 8 février 2012

Les civilisés de la barbarie 1/2

Sur la scène publique, une sottise succède à l'autre et n'est repoussée dans les coulisses que par celle qui la suit. Le bal est habituel et l'indignation, routinière.
Que voulez-vous, on s'accommode de tout.

Même de Claude Guéant.

On lui fait la bonne grâce de qualifier de "dérapage" un laïus sur les civilisations qui ne fait qu'administrer une preuve supplémentaire que lui et les hommes de son parti n'ont d'élites que le nom, et masquent sous des cravates bien choisies une bécassinesque inculture. En vérité, c'est par pure politesse que le beau monde s'en est offusqué, alors que tous nous pensions : "tiens, une connerie de plus."

C'est alors que l'histoire connut son deus ex machina. Monsieur Letchimy, un député martiniquais affilié PS, avec une certaine dose de naïveté et une maladresse incontestable, a contre-attaqué en connectant Claude Guéant aux proverbiales "heures les plus sombres de notre histoire." La foule hilare des journalistes parisiens, qui a depuis enfin assimilé l'humour du net, a hurlé au point godwin, et les indignés de la veille furent les sur-indignés du lendemain. Ainsi, la mise à jour certes ingénue du contenu nauséabond de la phrase valu à son auteur l'opprobre amusée du public.

Eh bien ces messieurs ont là une occasion rêvée d'élargir leur compréhension de la loi de Godwin, en étudiant le corollaire de Howitz :

When people invoke Godwin's Law in the face of a serious, relevant argument about Hitler or Fascism made with evidence and citations, it reflects their own inability to respond rationally to the claim being made and thus they should be deemed to have lost the discussion.

En gros, il y a pire que de commettre un point Godwin : c'est de dénoncer un faux point Godwin. Car si la comparaison se trouve par hasard être justifiée, alors l'analogie ne clôt pas le débat : elle en lance le vrai départ.

Oh, il ne s'agit pas d'établir que Claude Guéant ait été un exécuteur franquiste dans sa jeunesse. Cela n'a pas été le cas, et de toute façon, ce n'est pas le sujet, car Claude Guéant n'est rien en lui-même. Rien d'autre qu'un énième rouage d'une vieille machine droitière qui, ayant clôt la parenthèse gaulliste, est en train de renouer avec ses racines religieuses, maurrassiennes et contre-révolutionnaires.

Je voudrais pas cafeter. Mais connaissez-vous Patrick Buisson ?

Non ?

C'est dommage, ce monsieur gagne à être connu. Il est l'ingénieur principale de la politique sécuritaire de ce gouvernement que nous aimons tous, et à titre personnel, a l'oreille de Nicolas Sarkozy. Il a été derrière la création de l'inoubliable ministère de l'identité nationale et d'une manière générale, c'est lui qui théorise depuis de longues années la récupération de l'électorat du Front National par l'UMP.
Vous me direz, qu'est-ce qu'il y connait, en Front National, ce monsieur de l'UMP ?

Eh bien, vous allez rire. Monsieur Buisson est un ancien journaliste ayant partagé sa jeunesse entre les journaux Minute, le Crapouillot, ou encore des feuilles aussi recommandable que Valeurs actuelles.
Il fut ensuite l'auteur d'un album photo sur Jean-Marie Lepen, en 1984, une époque où il fallait des convictions bien assumées pour s'acoquiner avec un borgne encore marginal sur l'échiquier politique. Ce monsieur de bon goût a ensuite loué ses services de conseiller pour les campagnes de De Villiers, de Bayrou, de Madelin.

Cet homme est celui à qui on a payé les fameux sondages Opinion Way l'année dernière.

Cet homme est le patron de la chaîne Histoire.

Cet homme, en ce moment, souffle ses idées au Président de la République. Et quand les élyséennes oreilles ont fini d'assimiler cette fange fascisante qui macère depuis quarante ans, c'est sur le bureau du ministre de l'intérieur qu'elle atterrit. Bureau qui supporte, pour encore au moins deux mois, des étiquettes, des tampons et des cartes de visite au nom de C. Guéant.

Alors, vous pensez toujours que les accusations de Letchimy sont infondées ?

Au fait, êtes-vous familiers de l'ancien mouvement Occident ? Vous allez voir, on va continuer à rigoler.


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