jeudi 9 février 2012

Les civilisés de la barbarie 2/2

Je suis conscient d'alourdir beaucoup les seules épaules de monsieur Buisson. Aussi tentant que soient le goudron et les plumes en présence d'un tel spécimen, reconduire celui-ci à la frontière, à cheval sur un rail, ne ferait que gâcher des matières premières sans remettre en cause le système. On ne soigne pas un cancer en amputant les métastases.
Et la présence à la court présidentielle d'un voyou n'est ni exclusive aux régimes de droite, ni à la république française. Non, pour activer plus nettement le corollaire de Howitz, il faut chercher les nids. Un seul fasciste qui traîne, ça arrive. 
Par contre, pour qu'ils arrivent à s'agréger légalement, il faut un système.

Donc, je voulais parler du groupe Occident.

Cette organisation est aujourd'hui rangée dans la bibliothèque des anecdotes historiques vaguement pointues mais secondaires. On en prend connaissance par amour des vieilles histoires, mais sans intention de s'y attarder longtemps.

Et c'est tellement dommage, tant il est vrai que certains détails de l'histoire ressemblent à des pyramides enterrées : on commence par un étroit sommet, et plus on fouille, plus on trouve d'improbables masses de pierres. Jusqu'à découvrir la base qui soutient tout l'édifice.

Occident était un mouvement d'extrême-droite, fondé en 1964 par de pimpants lycéens parisiens. Comme ces jeunes gens avaient des tas de choses intéressantes à dire, ils estimèrent judicieux de choisir comme porte-parole un monsieur Pierre Sidos, qui faisait parti des fondateur du groupe. Comme tu as autre chose à faire dans la vie que d'entendre parler de Pierre Sidos, cher lecteur, je vais te faire un résumé rapide du bonhomme. D'abord, sont côté modéré: il  a été sympatisant de l'OAS et incarcéré pour ça. Avant la création d'Occident, il s'était essayé à la création de groupuscules aux noms aussi chantants que Parti nationaliste ou Jeune Nation.

Quand au versant plus musclé de sa personnalité, il s'était épanoui alors qu'il était haut responsable de la Milice sous l'Occupation, après avoir fait ses armes dans le francisme.

Voilà pour l'inspiration intellectuelle. Très vite, Occident, sous la poussée de ses plus jeunes militants, s'engagea dans la lutte contre la gauche en reprenant sienne la formule du célèbre démocrate Suharto : "tuer les communistes partout où ils se trouvent." Il n'est pas question de se battre sur la scène des élections démocratiques, car ils se tiennent au-dessus de ce peuple aviné qu'ils méprisent encore ouvertement. C'était un temps où l'extrême-droite avait au moins le cran de pousser ses arguments et prônait la prise de pouvoir par les "élites" et les "meilleurs".

Le groupe Occident n'a, bien sûr, jamais eu le plus petit début de moyen de déclencher autre chose que des tabassages à la sortie des facs. C'est ainsi qu'en 1967, un petit groupe d'entre eux, après avoir salement amoché des étudiants sur le campus de Rouen, se sont vus invités par la marée-chaussée à bien vouloir coopérer, si possible avec les mains sur la tête et contre la voiture. 
Ca a du leur faire bizarre, aux policier en question, quand ils ont vu des décennies plus tard arriver aux affaires les plus-si-jeunes Alain Madelin, Patrick Devedjan ou Gérard Longuet.

Tous les hommes de l'UMP ou anciennement du RPR n'ont pas fait Occident. Mais combien d'amis, de camarades de classes, de beau-frères ? De sympatisants discrets ?

Les intéressés se sont défendus, plus tard, non seulement en diminuant leurs rôles respectifs, mais surtout en faisant d'Occident une simple organisation de jeunes un tantinet conservateurs et traditionalistes. Et là, j'aimerais que vous réfléchissiez sur les inspirations intellectuelles et historiques, les prétention idéologiques de l'organisation. 
Et répondez sincèrement : pouvait-on la qualifier par un autre terme que néonazi ?

Voilà où je veux en venir sur la droite à laquelle nous faisons face en ce moment. De Gaulle et les siens, qu'on pense être l'essence de la droite républicaine en France, n'ont été qu'une parenthèse. Un voile. La droite, la vraie droite, celle qui vient des beaux quartiers et des vieilles familles, non pas celle qui vote mais celle qui se fait élire, vient de là. C'est dans cette boue qu'ils ont poussé. Ce sont ces idées qu'ils ont entendues chez eux, avec leurs parents, avec leurs amis. Sous le gaullisme dont ils ont eu la peau, une marée n'a jamais cessé d'écumer et a attendu discrètement, à l'abris des média, dans les rallye, dans les dîner, dans les écoles privées et les cours de catéchisme. Une idéologie bien plus vieille et résistante.

La droite qui hurlait "plutôt Hitler que le Front populaire" et qui qualifiait la défaite de 40 de "divine surprise" pour la seule raison qu'elle leur permettrai d'abattre la République.

La droite qui a organisé la bataille contre l'école laïque pour rendre la transition aussi dure que possible au début du siècle.

La droite qui disait "Dreyfus est innocent ? Peu importe !"

La droite qui faisait fusiller les communards en 1871 et élever le Sacré-Cœur pour commémorer l'exploit.

L'éternelle contre-révolution, les derniers relents du vieil ordre aristocrate qui en vérité ne s'est jamais pensé comme faisant partie du peuple, mais comme destiné à régner au-dessus de lui.


Le parti de Claude Guéant, maintenant qu'il a éliminé ses derniers restes gaullistes, n'est plus que l'héritier de ceux qui ont toujours voulu la mort du peuple. Ceux qui ont lutté contre l'invention des droit de l'homme, mais les utilisent aujourd'hui pour diaboliser les musulmans en oubliant qu'ils en avaient, eux, été les premiers ennemis. Ceux qui acceptent que le peuple de France perde une guerre, soit occupé et humilié si ça leur permet d'en prendre le contrôle et qui acceptent, aujourd'hui, qu'il soit livré en pâture aux créanciers privés.

Ils sont les engeances d'une longue lignée d'oppresseurs qui n'ont jamais cru à la légitimiré du peuple. A ce titre, monsieur Létchimy a été trop tendre en se limitant à parler de leurs exploits du XXe siècle. Ceux qui trouvent qu'il exagère feraient bien de regarder dans leurs livres d'histoire ce qu'est réellement la droite historique européenne depuis trois cents ans.

 Et sur ce qu'elle promet de redevenir en Europe.

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