"Pourquoi la religion se maintient elle dans les couches arriérées du prolétariat des villes, dans les vastes couches du semi-prolétariat, ainsi que dans la masse des paysans ?
Par suite de l'ignorance du peuple, répond le progressiste bourgeois, le radical ou le matérialiste bourgeois. Et donc, à bas la religion, vive l'athéisme, la diffusion des idées athées est notre tâche principale.
Les marxistes disent : c'est faux. Ce point de vue traduit l'idée superficielle d'une action de la culture par elle-même. Un tel point de vue n'explique pas assez complètement (...) les racines de la religion. Dans les pays capitalistes actuels, ces racines sont surtout sociales. La situation sociale défavorisée des masses travailleuses, leur apparente impuissance totale devant les forces aveugles du capitalisme (...), c'est là qu'il faut rechercher aujourd'hui les racines les plus profondes de la religion.
« La peur a créé les dieux. » La peur devant la force aveugle du capital, aveugle parce que ne pouvant être prévue des masses populaires, qui, à chaque instant de la vie du prolétaire et du petit patron, menace de lui apporter et lui apporte la ruine « subite », « inattendue », « accidentelle », qui cause sa perte, qui en fait un mendiant, un déclassé, une prostituée, le réduit à mourir de faim, voilà les racines de la religion moderne que le matérialiste doit avoir en vue, avant tout et par dessus tout, s'il ne veut pas demeurer un matérialiste primaire. Aucun livre de vulgarisation n'expurgera la religion des masses abruties par le bagne capitaliste, assujetties aux forces destructrices aveugles du capitalisme, aussi longtemps que ces masses n'auront pas appris à lutter de façon cohérente, organisée, systématique et consciente contre ces racines de la religion, contre le règne du capital sous toutes ses formes."
"De l’attitude du parti ouvrier à l’égard de la religion"
Lénine, 13 mai 1909
Texte complet ici : https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1909/05/vil19090513.htm
J'ajoute ceci.
Nous sommes conditionnés par une société de l'exploitation, par la nécessité de dominer autrui ou d'être dominé par autrui pour survivre. Comment pourrions-nous espérer que s'épanouisse autre chose que la superstition désespérée ? Par quel miracle l'intelligence et la mesure naîtrait-elle de la peur et de la solitude permanente ?
Nous nous faisons charcuter perpétuellement dans ce système, c'est vrai, mais pas par la religion. La religion est la morphine que la charcuterie donne aux plus charcutés pour qu'ils supportent la douleur. Et nous irions leur reprocher d'y être accroc ? Quand la religion est parfois la dernière parcelle d'âme à quoi ils peuvent se cramponner ? Nous irions vers eux et commencerions par les traiter d'imbéciles ?
La religion est l'opium du peuple. Elle est sont dernier réconfort, et au besoin transforme sa colère en pulsion criminelle, impardonnable mais inoffensive pour les dominants, plutôt qu'en désir de lutte collective. Elle le rend irrécupérable.
Nous devons lutter contre ses agents comme contre toute organisation qui nous exploite. Non parce qu'ils disent que Dieu existe et que nous pensons le contraire, mais parce qu'ils encouragent leurs fidèles à se laisser exploiter, à courber l'échine, et à attendre la mort pour vouloir le paradis.
Pour le reste, si nous sommes matérialiste et athées, nous croyons que l'intelligence porte en elle l'athéisme. Nous devons faire confiance à celle de concitoyens émancipés économiquement et politiquement pour y accéder naturellement, et laisser lentement dépérir la religion.
Peut-être avons-nous tort. Peut-être aussi qu'au-delà de l'athéisme et du religieux, émergera une spiritualité nouvelle.
PS : cet angle de vue, bien entendu, n'invalide absolument pas la valeur des efforts éducatifs de ceux qui depuis un siècle se battent contre les curés. Il pointe du doigt le fait que ces efforts ne sauraient achever de transformer l'humanité tant que celle-ci reposera sur l'exploitation systématique des uns par les autres.